Peut-on mesurer l’univers avec un simple trait de feutre ? Depuis 2007, l’artiste slovaque Roman Ondák en fait la démonstration avec une œuvre participative aussi minimaliste que puissante. Intitulée « Measuring the Universe », elle transforme chaque visiteur d’un musée en co-auteur discret d’une fresque collective éphémère. Une installation qui invite à repenser notre rapport au temps, à l’espace… et aux autres.
Le principe est déroutant de simplicité : à son arrivée dans la galerie, le visiteur est invité à se placer contre un mur. À l’aide d’un feutre noir, un membre du personnel trace une ligne horizontale à sa hauteur, y inscrit son prénom et la date du jour. Au fil des heures, des jours, des semaines, les marques s’accumulent et forment une bande noire irrégulière qui encercle lentement les murs du musée.

Une galerie blanche, un feutre noir, des milliers de prénoms
Ce n’est plus l’artiste qui “produit” l’œuvre, mais le public. Sans participation, l’installation reste un mur vide. Avec elle, la pièce devient mémoire : celle de milliers de présences, condensées dans un entrelacs de traits et de prénoms. L’art n’est plus à contempler, mais à incarner.
Un geste d’enfance élevé au rang de rituel muséal
Roman Ondák s’inspire d’un geste familier : mesurer la croissance d’un enfant en traçant des repères sur un mur de la maison. Mais ici, ce geste intime devient public. En plaçant ce rituel domestique au cœur du musée, il brouille les frontières entre art et quotidien, entre expérience individuelle et récit collectif.
Le créateur lui-même a été le premier à être mesuré lors des installations, notamment au Musée d’Art Moderne de Paris. Chaque marquage vient s’ajouter aux précédents, dans une logique d’accumulation organique. Certaines marques se distinguent par leur hauteur inhabituelle, d’autres se fondent dans une densité noire devenue presque abstraite. L’œuvre devient un paysage humain, changeant et mouvant.
Une réflexion silencieuse sur la trace et l’échelle humaine
« Measuring the Universe » interroge la place de chacun dans le monde. Marquer sa taille, son prénom, la date, c’est affirmer : “j’étais là”. Mais au milieu de milliers d’autres inscriptions, cette trace devient anonyme, quasi imperceptible. Elle se fond dans un tout, tout en restant unique. Une tension entre visibilité et disparition qui évoque la condition humaine dans un monde en constante mutation.
Ce projet pose aussi un regard politique sur le rôle du musée : un lieu où l’ordre, la hiérarchie et la contemplation sont bouleversés par la spontanéité, le contact, l’interaction. Car ici, le personnel du musée devient acteur à part entière, et le public n’est plus spectateur mais co-créateur. Pour en savoir plus sur l’artiste et ses oeuvres, rendez-vous sur sa page Instagram.
Et dans un esprit étroitement lié, on vous invite à (re)découvrir cette installation où le souffle de chaque visiteur fait frémir un rideau de plumes suspendu, transformant la respiration collective en poésie visuelle.













