Un jeu de mots. Une vidéo virale. Et une guerre culturelle relancée en plein été. La dernière campagne d’American Eagle, portée par l’actrice Sydney Sweeney, fait plus que vendre des jeans : elle polarise. Accusée de flirt avec l’eugénisme et de mettre en scène une vision rétrograde de la femme idéale, la publicité a généré un buzz massif, une montée en flèche en bourse… et une polémique internationale/
“Sydney Sweeney has great jeans” – à l’oral, “jeans” se confond volontiers avec “genes”, les gènes. Le slogan de la campagne joue volontairement de cette ambiguïté phonétique, notamment dans des vidéos où Sweeney évoque directement sa génétique, ses yeux, sa personnalité et sa silhouette. L’une des séquences, désormais supprimée, la montre dire : “La composition de mon corps est déterminée par mes gènes”, tandis que la caméra zoome sur sa poitrine, avant qu’elle ne réplique : “Les yeux sont là !”

Une punchline marketing… au cœur du malaise
Censé célébrer son “héritage denim”, ce message a provoqué une levée de boucliers : pour nombre d’internautes et d’analystes culturels, il ne s’agit plus de publicité, mais de récupération idéologique. Blonde, mince, yeux bleus, posture sexualisée : pour ses détracteurs, l’actrice incarne ici un archétype chargé historiquement – celui de la femme “parfaite” aux “bons gènes”, tel qu’idéalé par des doctrines eugénistes.
Une mise en scène jugée d’autant plus déplacée qu’elle survient dans un climat politique américain en tension, entre repli conservateur et revalorisation assumée des modèles “pré-woke”.
Polémique d’image, mais pas d’impact boursier
Ironie du sort : alors que la marque a discrètement retiré les vidéos incriminées de ses réseaux sociaux, son action a bondi de 20% en quelques jours. Car si une partie du public dénonce un retour aux clichés sexistes et raciaux, une autre y voit au contraire un pied de nez au “wokisme” et un retour à des valeurs “traditionnelles” de beauté et de simplicité.
Derrière cette controverse, plusieurs experts du branding s’accordent sur un point : ce type de publicité ne tombe jamais dans le vide. Elle s’inscrit dans un contexte. Et aujourd’hui, ce contexte est explosif. Les marques participent à un dialogue mondial. La maîtrise culturelle n’est plus un plus marketing, mais une nécessité stratégique. Autrement dit : parler génétique, beauté et corps dans une publicité de denim, c’est aussi prendre position sur des lignes idéologiques.
La viralité peut-elle remplacer la prudence ?
Faut-il en conclure qu’American Eagle cherchait délibérément la controverse ? Pas forcément. Mais dans un monde où le bad buzz devient stratégie, et où la viralité d’un contenu sur TikTok ou X peut générer des millions de vues en 48h, les marques naviguent entre créativité et fracture idéologique.
Dans un marché en perte de vitesse, le pari de l’audace a peut-être été jugé plus rentable que celui du consensus. Après tout, la polémique a redonné de la visibilité à une marque qui ambitionne de redevenir la référence denim de la Gen Z.
Il faut dire que les marques ont retenu la leçon de Jaguar et de sa campagne considérée comme “pro-woke”, avec son tout nouveau rebranding qui a eu un effet catastrophique sur ses ventes.

