The New Yorker célèbre ses 100 ans avec une rétrospective sur ses couvertures historiques

Depuis un siècle, The New Yorker a su s’imposer comme bien plus qu’un magazine : un repère culturel, une boussole intellectuelle, un manifeste visuel de son époque. Pour célébrer son centenaire, le magazine iconique dévoile une campagne d’une rare puissance visuelle et émotionnelle, intitulée « Everything, Covered – 100 Years of The New Yorker ». Un hommage bouleversant qui traverse le XXe et XXIe siècle… une couverture à la fois.

Pendant plus de 100 secondes, les illustrations défilent. Aucune n’a été modifiée. Toutes sont authentiques, conservant intactes les lignes de leurs auteurs : Kadir Nelson, David Hockney, Art Spiegelman, Maira Kalman… Des artistes devenus la signature graphique d’un média qui a toujours préféré le trait au titre choc, la nuance au bruit.

Une leçon d’histoire à travers le prisme de l’illustration

The New Yorker ne raconte pas les événements : il les illustre. Et c’est précisément cette approche qui donne à la campagne toute sa force. Car ici, pas de timeline linéaire ni de voix narrative omnisciente. Juste un flux d’images, de styles, de couleurs, qui nous racontent un siècle de bouleversements. Chaque couverture devient une fenêtre sur un moment de société : la pandémie, les guerres, les luttes raciales, les mutations technologiques, le quotidien new-yorkais… mais aussi ses obsessions, ses travers, ses grandeurs.

La narration est portée par Jia Tolentino, journaliste phare du New Yorker, avec un texte écrit en collaboration avec David Remnick, rédacteur en chef. En fond sonore, une version revisitée de la légendaire Rhapsody in Blue de Gershwin – née elle aussi en 1924 – vient tisser un lien subtil entre mémoire et modernité.

Une déclaration d’intention, tournée vers l’avenir

Cette campagne n’est pas seulement commémorative. Elle se veut également prospective. Comme l’explique Michael Ribero de Condé Nast, l’objectif est clair : faire connaître l’exigence du New Yorker aux nouvelles générations, dans un paysage saturé de contenus rapides et de titres attrape-clics.

Avec ce film, le magazine rappelle qu’il ne cherche pas à divertir à tout prix, mais à faire réfléchir. Qu’il ne vend pas de l’info, mais une posture éditoriale. Qu’il ne suit pas l’actualité, mais l’interprète. Et surtout, qu’il est resté, contre vents et marées, un bastion de journalisme lent, illustré avec art, qui n’a jamais cédé aux sirènes du sensationnalisme.

Une image vaut mille mots

Derrière cette campagne, c’est aussi une philosophie graphique qui s’affirme. Le New Yorker a toujours préféré les couvertures sans titres, sans slogans, laissant parler le dessin seul. Une rareté dans l’univers médiatique, qui fait de chaque numéro une forme d’œuvre à part entière. Un “visuel incident”, comme le définissait l’affichiste Cassandre.

Et si cette stratégie a tenu bon depuis 1925, c’est grâce à une direction artistique exigeante, portée depuis 1993 par Françoise Mouly. C’est elle, entre autres, qui a imaginé la couverture totalement noire après les attentats du 11 septembre. Ou qui a accompagné Barry Blitt pour sa représentation controversée des Obama. Des images devenues autant de miroirs culturels, capables de capter l’instant avec intelligence… et audace.

Avec « Everything, Covered », The New Yorker prouve qu’un siècle d’illustrations peut encore parler au présent. Mieux : qu’il peut incarner une forme d’antidote à la désinformation, à la polarisation et à la superficialité. Et dans ce monde qui court, cette campagne nous rappelle une chose essentielle : la lenteur, la réflexion et l’image ont encore un avenir.

S’abonner
Notifier de
guest

0 Commentaires
Newest
Oldest Most Voted
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires